Pensée profonde #1 : Langues, personnalité et émotions

août 25, 2018

Les langues sont merveilleuses. Elles nous permettent de nous exprimer et d’interagir avec les autres. En tant que française vivant en Angleterre, et donc devant parler anglais dans le cadre de mon travail, mais aussi pour interagir avec mes amis, partager mes idées, défendre mon opinion, plaisanter… je fais face au challenge d’exprimer mes idées et de les faire passer dans ma langue non-natale. Cela m’amène parfois à de longues réflexions sur la façon dont les gens nous perçoivent quand on parle une langue étrangère et la personne que l’on est réellement (attention instant philosophique à suivre…).

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Sommes-nous la même personne quand on parle deux langages différents ? Ou plutôt, arrivent ont à vraiment faire comprendre aux autres qui nous sommes quand on ne parle pas notre langue natale ? Notre façon d’être et nos émotions changent-elles en fonction du langage dans lequel on s’exprime ? 

Voilà un petit bout de pensée que je voulais partager sur ce blog, un peu diffèrent et plus profond que d’habitude. 




Je m’interroge souvent sur la personnalité que je dégage quand je parle anglais.
Ce n’est pas facile tout le temps, il y a des jours avec et des jours sans. Il y a parfois ces moments de blancs après avoir fait une blague que personne n’a compris, ces moments où je me lance dans une longue explication et réalise que je n’arrive pas à faire passer le message que j’ai en tête, et d’autres moments où il n’y a simplement pas d’équivalent anglais au mot ou à l’expression que j’ai en tête. 

Réfléchit-on et raisonne-t-on différemment ?
Quand je parle anglais, mon discours n’est pas aussi fluide, je suis limitée par le vocabulaire, mon accent et je veux faire en sorte que tout le monde me comprenne. Je semble donc sûrement plus sérieuse, et peut-être parfois hautaine, que ce que je suis réellement. Je me concentre plus sur les faits et l’idée que je veux faire passer plutôt que la forme… Et cela additionné à la tendance des Français à être plus direct dans leur propos, peut mener à une impression de franchise parfois mal perçue.

Nous sommes définitivement perçus différemment par les autres en fonction du langage dans lequel on s'exprime. Je pense qu’on ne peut pas connaître entièrement une personne sans l’avoir vu s’exprimer aussi dans sa langue natale. Je me rappelle cette fois où l’on parlait français avec une de mes amis au pub, nos collègues étaient à côte et au bout de quelques minutes l’un d’entre eux a fait la réflexion que l’on paraissait plus jeune en parlant français plutôt qu’anglais, il nous percevait de manière différente. Quand je parle anglais avec cette même amie française, il y a quelque chose qui manque. C’est un peu comme si je parlais à une personne différente, avec plus de distance...

Des études scientifiques ont montré que nos émotions seraient moins impliquées quand on parle une langue étrangère.
Elles suggèrent que nous prendrions des décisions plus raisonnés et donc que nous ferions des choix différents (1). Ce serait un avantage pour les grandes multinationales où la multi-nationalité des équipes dans la prise de décisions importantes serait un atout. 

Le processus scientifique derrière ce phénomène n’est pas encore complétement compris, mais certaines études évoquent le fait qu’on apprenne notre langue natale dans le contexte de la famille où les émotions sont plus impliquées. Parler une autre langue impliquerait donc une certaine distance psychologique. D’autres études parlent de l’existence de deux modes de fonctionnement de notre cerveau, dont l’un impliquerait plus le raisonnement que l’émotionnel et l’intuition, et qui serait activé en parlant une langue étrangère (2). Nous nous laisserions donc moins influencés par nos émotions dans une langue étrangère.

Parler anglais tous les jours, c’est aussi être limité par la maîtrise de la langue et la peur de faire des fautes devant des personnes natives.
Au travail par exemple, ça m’a longtemps bloqué et ça me bloque encore parfois. Pendant les réunions, le fait de prendre la parole me stresse non seulement à cause du fait de devoir parler, mais aussi parce que je me soucie de si les gens vont comprendre mon accent et des éventuelles fautes de langue. J’ai aussi remarqué que le fait d’avoir d’autres étrangers dans la salle décoince le fait d’oser parler. Si quelqu’un se lance avec un accent, les autres auront plus tendance à suivre que s’il y a seulement des Anglais dans la salle. Cette situation est d’ailleurs valable pour les sorties entre amis, le pub… Mes colocs sont toutes étrangères et je suis beaucoup plus décontractée en leur parlant anglais qu’en allant au pub avec mes amis anglais où je sais que la moindre petite faute sera détectée.

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S’exprimer dans une autre langue n’est pas facile tous les jours. C’est satisfaisant, drôle, décevant, défiant, et parfois frustrant… C’est se dépasser pour être sûre de faire passer ses idées, s’adapter à une nouvelle grammaire, et créer une connexion avec notre interlocuteur. C’est bien plus qu’un simple exercice de classe où l’on débat avec notre voisin si Brian se trouve dans la cuisine ou dans le salon en prenant notre plus bel accent. Ça implique aussi d’exprimer nos émotions, et toutes les petites nuances de la vie que l’on a besoin d’exprimer pour montrer réellement qui l’on est et créer de vraies relations avec les gens. Bien sûr, il y a aussi les différences culturelles qui s’ajoutent à la barrière de la langue et tout cela rend le fait de vivre dans un pays étranger si enrichissant. C’est remettre sans cesse en question notre manière d’être, d’interagir avec les autres et faire face à nos propres limites. Tout cela me passionne et je suis curieuse d’entendre l’expérience d’autres personnes vivant dans des pays étrangers/parlant une langue étrangère tous les jours. Alors n’hésitez pas à commenter ou me contacter 😊

Escapades & citronnade.

Références :
(1) Using a Foreign Language Changes Our Choices, Hayakawa and al., Trends in Cognitive Sciences, November 2016.
(2) Psychologie. “Penser dans une langue étrangère, c'est réfléchir deux fois” | Courrier international. Publié le 28/10/2016.

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2 commentaires

  1. Coucou Marion! Je suis d'accord avec toi, si je jure et j'utilise des gros mots en anglais, je ne me rendrai pas du tout compte du réel impact! Pour ce qui est du travail, je pense que t'exprimer avec ton accent et tes erreurs font ce qui est ton charme et la plupart des Anglais trouvent ça mignon! ( Dans mon cas ��). J'ai entendu parlé de ces deux parties du cerveau et c'est très intéressant merci!
    XX

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    1. Coucou Manon! Merci pour ton partage :) C'est vrai que les gros mots n'ont pas le même impact dans mon esprit en anglais ou en français. A très bientôt. Marion.

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